mardi 10 novembre 2009

Né dans la rue, Graffiti














Fondation
Cartier pour l'art contemporain

Paris - prolongation jusqu'au 10 janvier 2010

Magnifique exposition qui retrace l'histoire du graffiti, par un retour aux sources new yorkaises de cet art de la rue. Des fresques de PHASE 2, Seen, Part One spécialement réalisées pour l'expo (un couloir entier du sous-sol couvert de graffitis et de tags., des palissades spécialement montées à cet effet sur le boulevard Raspail, où les grapheurs ont laissé de superbes traces de leur virtuosité..

Originalité et courage de cette démarche, qui traite en profondeur et avec beaucoup de sensibilité esthétique d'un art souvent jugé mineur, voire méprisé. L'exposition montre comment dans les années 70 le graffiti passe d'un prurit d'adolescents révoltés à une pratique artistique d'une grande originalité graphique et en constante évolution. Cet historique est richement documenté, notamment de nombreux interviews filmés des précurseurs du mouvement, ainsi que de documents d'époque, à noter le rapport de la police de New York décrivant les profil type du grapheur : 14-16 ans, opérant entre 16h et 2 heures du matin (la journée ils sont à l'école..), portant un manteau ou une veste longue pour dissimuler un sac contenant les bombes de peintures… Tout comme les statistiques des vols de peinture dans les magasins de la ville.. également d'amusantes interviews des autorités locales et de la "bonne société" tentant de lutter contre ce fléau॥et ces "déprédations ignobles"..

Un art visant à conquérir l'espace urbain, en posant sa marque, sous forme de tag, signature stylisée, majoritairement le fruit de très jeunes Afro-américains et hispaniques des quartiers populaires du Bronx, de Washington Heights. Pratique qui s'étendra rapidement aux jeunes de toutes les communautés.

Recherche d'une identité visuelle, travail formel, d'autant plus original qu'il était soumis à de nombreuses contraintes. De l'intérieur des stations de métro et des rames, les tags recouvriront peu à peu l'extérieur des wagons, se complexifieront et s'enrichiront de calligraphies de plus en plus élaborées.

Il ne s'agit donc plus simplement de marquer un territoire, le tag du writer associant souvent son surnom au numéro de sa rue (Joe 182, Julio 204…), mais de faire voyager ses créations dans l'ensemble de la ville, le métro artère vitale traversant tous les quartiers, des plus modestes aux plus chics, de Brooklyn ou Harlem à la 5ème avenue, de montrer à tous sa virtuosité. Une recherche de reconnaissance par la communauté des grapheurs, par delà les conventions sociales. Sortir de sa condition par l'art, sortir de la masse, faire briller son individualité, rêves d'ascensions sociales sans assujettissement à une culture bourgeoise, création de nouvelles normes, de nouveaux codes.

Transgression donc, des interdits, des limites sociales et économiques, où les invisibles inventent une nouvelle culture, dans la réappropriation de l'espace public। Transgression indissociable du risque d'une pratique clandestine, violence des accidents souvent fatals et de la répression.

Le travail graphique sur l'écriture du tag préfigure les compositions de fresques en graphes. Art paradoxalement monumental et éphémère..les fresques sur les rames étant régulièrement effacées..Mais ceci permettra une évolution rapide des styles. Jusqu'à la popularisation et la mondialisation de cet art dans les années 80.

D'une pratique de jeunes, à la limite de la délinquance et en perpétuelle provocation, le graffiti sera intégré par de nombreux artistes , notamment par les premières expositions en galeries (Fashion moda, Bronx, Fun Gallery, Lower East Side,1978), puis par les premières expos institutionnelles.

L'expo explore également les liens avec d'autres arts de la rue, break dance et hip hop et s'interroge sur la notion de culture de rue.

Un travail exemplaire tant par la qualité et la richesse de la muséographie que par les nombreuses interactions avec le monde artistique :programmation de films, de concerts-événements, de happenings ..

En complément sont organisées des "soirées nomades" événements et concerts..

http://fondation.cartier.com/

Catalogue :

Né dans la rue-Graffiti, Paris, Fondation Cartier pour l'art contemporain, 2009, textes de Richard Goldstein, entretiens avec Coco 144, Lady Pink, Ket one, Jayone, 242 p.

dimanche 4 octobre 2009

Le théâtre du crime, R. A. Reiss



jusqu'au 25 octobre 2009

Musée de

l’Elysée


Lausanne






Cette expo présente pour la première fois les photographies de police scientifique de Rodolphe Archibald Reiss, fondateur de l’institut de police scientifique de l’Université de Lausanne. Cet allemand, émigra en Suisse au début du XX ème siècle, pour étudier à Lausanne. Il sera un des pionniers de la criminologie scientifique, mettant au point des méthodes d’observation des scènes de délits et de crimes, utilisant à cet effet, la photographie comme instrument de recueil de données, comme moyen de préserver les traces périssables des actes criminels : blessures, traces de pas, empreintes, mais également d’identifier les criminels par de nombreux portraits signalétiques.


La photographie est bien entrée dans une nouvelle ère, où loin d’une représentation symbolique du réel, on lui demande exactitude, précision : elle pourra ainsi servir d’outil de mesure, elle devient ainsi une « trace » de trace. Permet le catalogage de l’éphémère : empreintes, corps mutilés, visages de morts anonymes, qui rendra possible une systématisation des bases de données. Mais la photographie de scènes de crime demande une technique particulière, une réflexion sur la manière de rendre le sujet avec le plus d’exactitude possible, souvent photographié dans des conditions difficiles (lieux exigus, sombres..).


Les exigences techniques de cette photographie d’identification vont générer le développement de nouvelles méthodes de prise de vue, tels ces supports en hauteur, permettant de photographie un corps couché dans son entier. Par ailleurs, ces photographies sont des éléments de cahiers d’expertise, où chaque cliché faisait l’objet d’une justification et de commentaires précis, éléments indissociables du rapport d’expertise. Malheureusement, la muséographie de l’exposition ne permet pas de comprendre l’aspect scientifique et innovant de ces méthodes de prise de vue. Seule une toute petite partie de la salle du second étage est consacrée aux réflexions techniques de R. Reiss.


Pour comprendre, aussi bien les éléments d’histoire de la police scientifique, que le rôle de pionnier joué par Reiss en Europe et dans le monde, il est nécessaire de se reporter à l’ouvrage publié par l’IPSC aux Presses polytechniques et universitaires romandes, car l’exposition ne présente quasiment aucune explication qui permettrait de resituer ces clichés dans l’histoire des méthodes d’investigation forensique.


Cette absence de mise en perspective, rend l’exposition particulièrement pénible, de par la violence des images choisies, particulièrement spectaculaires : tête tranchée, corps tuméfiés de noyés, de suicidés, femmes violées, corps lacérés..


Le choix de photographies s'avère particulièrement morbide et vise le sensationnel, alors que les dizaines de milliers de clichés d’Archibald Reiss couvrent de multiples autres aspects ( et occulte aussi bien l'intérêt scientifique de ses travaux, que l'aspect éthique de ses engagements : notamment ses photographies de charniers durant la première guerre pour dénoncer les atrocités commises envers les serbes).

Cette muséographie privilégie le sensationnalisme et l’esthétisation de la violence, à la réflexion sur l’aspect scientifique et historique de ces clichés. On regrettera donc que l’important travail de recherche effectué par l’IPSC n’apparaisse que très peu dans l’exposition. Aucune contextualisation des affaires présentées, rien qui permette non plus de savoir quelles sont les informations tirées de ces clichés, de l’analyse des traces, de leur interprétation, de leur rôle dans la résolution des affaires en question.


Qu’a-t-on voulu montrer par cette exposition ? On se le demande. Le « scientifique » n’est-il qu’un alibi pour du sensationnalisme gratuit ? Il y avait pourtant de nombreuses questions à poser, notamment sur le rôle judiciaire de l’image, sur l’entrée de la photographie dans l’histoire des sciences, sur la photographie comme instrument de réflexion et de déduction, révélant ce que l'oeil ne perçoit pas immédiatement..

Délibérément l’image est séparée de tout discours, elle devient présentation brute de marques d’une violence, qui par cette absence de signification en devient insoutenable : car elle ne fait pas sens, si ce n’est dans une présentation esthétisée et voyeuriste de la dégradation humaine.

Il aurait été notamment intéressant d’expliquer les différences entre les clichés d’identification de Reiss et les théories phrénologiques, car la discipline de la police scientifique s’est construite au sein de controverses sur ce qu’apporte l’observation du corps. Simple instrument d’identification des individus, pour Reiss, le corps, ou les marques qu’il porte (tatouages, forme du visage, etc.), ne sont pas un signe ni de la moralité de la personne ni de sa psychologie.


www.elysee.ch


Bibliographie


Collectif, C. Champod, D. Girardin, L. Lebart, P. Margot, J. Mathyer, N. Quinche, E. Sapin,

Le théâtre du crime Rodolphe A. Reiss, Lausanne, PPUR, 2009


mercredi 30 septembre 2009

American Leitmotiv - Hiroshi WATANABE

   
Genolier (Suisse)

jusqu’au 17 octobre 09



Les oeuvres de Watanabe exposées à Genolier sont des travaux effectuées de 1996 à 2002. Un voyage à travers des Etats-Unis du Nevada à la New Orleans, en passant par New York, Philadelphie, Hawaï. Mais le regard de l’artiste japonais est si particulier qu’apparaît un autre pays, bien différent des représentations habituelles : ni rêve américain, ni misérabilisme, une vision très esthétique et symbolique du pays de la liberté.


 Un regard au travers de voiles, textures, profile des formes en contre-jour : un théâtre d’ombres, de contrastes, qui efface les multiples détails,  silhouette nocturne dans une pièce, oiseaux ..  la forme touche à l’universel, devient symbole, le sens se superpose au visible.  


Reflets, comme ces arbres et chemins s’enfonçant sur le métal gravé de noms du mémorial. Evoquant un autre paysage : à la limite de l’imaginaire : un monde invisible qui prend forme. 

Le miroir qui oppose les deux mondes, les superpose, le rêve et la réalité ? Sont-ils vraiment indissociables ? Il y a celui à travers lequel on voit l’autre, mais quel est le plus réel ? 


Visions déformées qui questionnent le réel, telles ces énormes bulles de savons, rondes et translucides, objectifs déformants, portent notre regard plus loin, qui plonge vers quelque chose d’inatteignable.

A travers quoi voit-on le monde ? Qui donne sens aux visions ? Comme si le plus éphémère seul révélait la beauté.  Eclose dans l’instant seulement. 


Des lieux emblématiques  autant de symboles dans l’histoire des Etats-Unis, Lincoln memorial, Gettysburgh, Mémorial de la guerre du Vietnam, Ellis Island..Wall Street.. 


En filigrane les questions de la liberté, du sacrifice et de la mémoire : qu’est ce qu’un lieu de mémoire ? Que commémore-ton ? Que reste-il de l’individu fondu dans l’histoire collective, de ces milliers de vies disparaissant derrière les noms gravés ?



La plupart des photographies de cette exposition sont tirées des ouvrages de H. Watanabe :


Findings, Portland, éd. Photolucia


Veiled Observations and Reflexions, 2002


dimanche 27 septembre 2009

Ara Güler - Lost Istanbul, Années 50-60


Maison européenne de la photographie, Paris

du 9 septembre au 11 octobre 2009

Ara Güler, (1928, -). Reporter-photographe pour Time Life, Paris Match, Der Stern, dès 1961 agence Magnum.




Le monde ouvrier non pas réduit à son geste de travail, mais dans ce qu’il a de plus humain encore : les interstices : les moments d’échanges, les discussions sur un ponton de quai, là où l’on prend le temps d’écouter, de regarder son interlocuteur. Où le travail c’est d’abord une relation, pas encore aliénée par le monde industriel.

L’homme toujours plus qu’un simple travailleur, tel vieux pêcheur, un chapelet à la main, ou ces trois personnages sur le pont de Galata, contemplant les fumées du port, ou ce marchand de tissus plongé dans sa lecture.

L’homme dans son humanité profonde : qui va au-delà de la simple activité : contemplateur, communiquant, tourné vers l’autre, vers le passé, vers l’au-delà. L’homme n’est jamais réductible à sa simple fonction économique, il n’est jamais seulement ouvrier, commerçant, pêcheur : Les différentes dimensions de la pensée : la mémoire et la nostalgie, de ceux qui regardent le monde changer, le paysage se transformer et leur histoire lentement effacée. L’homme religieux, celui qui se souvient, la femme silhouette mystérieuse


Les cafés : le temps après la journée, encore un interstice : où l’on joue, bois ou dors. La rue, pierres polies et irrégulières, lieux de vie, où l’on prend du temps, où l’on s’arrête, parle, jeux d’enfants. Les lieux de prière : espaces hors du temps profane : lieux du Désir, de la demande, de l’attente..

En contraste, la ville moderne et ses foules, les visages n’apparaissent plus, de simples silhouettes lointaines, furtives, remplacent la présence ancrée dans le temps des pêcheurs des artisans.

Les lignes du tram, les perspectives nous éloignent. Deux univers aux rythmes différents, telles ces charrettes et chevaux ralentissant le passage du tram. Deux mondes qui cohabitent. Pour combien de temps encore ?

Une ville moderne comme toutes les autres, taxis, bars de nuit, quais de gare, enseignes lumineuses semble prendre la place de l’autre..de ces lieux de vie ; où les rues sont les places de jeux des petits, lieu de rencontre des vieux assis sur le trottoir.

La mer, personnage féminin de la ville, omniprésente, lieu de profusion : ces pêches luisantes, comme des offrandes archaïques, mais aussi de séparation, départs, attente entre deux voyages. On s’attendrait presque à y croiser Corto..dans un contre jour sombre et lumineux.


A lire : le magnifique texte d’Ohran Pamuk en ouverture du catalogue sur sa mémoire de la ville


L’expo est organisée dans le cadre de la saison de la Turquie en France


Catalogues : Istanbul, Paris, éd. du Pacifique, 2009, 180 p. texte de Ohran Pamuk

mercredi 23 septembre 2009

" Voir, observer et penser", August Sander



Fondation Henri Cartier Bresson, Paris

du 9 septembre au 20 décembre 09



Représenter la multiplicité de la société, ou plutôt du genre humain, car rien de nationaliste n’entache ce projet. "Hommes du XXème siècle" : une grande mosaïque où chaque portrait relève autant de l’universel que du particulier. Le paysan, l’ouvrier, l’enfant, le peintre, le musicien, le boxeur, le gitan, le chômeur, l’idiot, le soldat aveugle, le nain, les forains..
Ecrire une histoire du siècle à partir d’individus est à ce moment-là hautement révolutionnaire, dès cette première guerre mondiale où tout tend à réduire l’histoire à celle des masses, des groupes, qu’on oppose en classes, nations, races..le projet d’une image du temps montrée dans la diversité, la multiplicité des regards individuels est alors hautement subversif. Les grandes idéologies politiques de ce début de siècle vont tout faire pour détruire ce sentiment d’individualité, où chaque vie humaine est irremplaçable, Tchakotine et Gustave Le Bon décriront ces phénomènes de massification de la société.

La première partie de ce projet photographique paraît en 1928 sous forme d’un livre intitulé Antlitz der Zeit (Visage d’une époque). Des portraits d’individus, jamais de foule, jamais de masse, toujours des visages frontaux, qui vous regardent et vous observent. Regard qui empêche l'objectivation de l'autre, sa chosification. Les hommes ne sont pas interchangeables, tous différents, tels ces deux boxeurs, l’un brun, trapu et souriant, l’autre timide, blond, élancé. Côte à côte, sans modèle, sans idéal, des corps imparfaits et vivants.
Jamais de portrait misérabiliste, de scène de genre, chaque homme dans sa dignité, que ce soit le vagabond, les fils de paysans en cravate et veston, ou les enfants d’ouvriers. Des regards directs, comme pour un album de famille. Une seule famille, que la multiplicité des clichés reconstitue et relie. Il n’y a pas un type d’homme, les hommes sont multiples.
L’art du portraitiste transparaît ainsi, son attachement à montrer le meilleur de chaque homme: dans une coïncidence entre l’image qu’il souhaite montrer et celle qu’il imagine de lui-même.
Tels ces nains, élégamment vêtus, ces paysans en vêtements de ville et chapeaux, ces enfants d’ouvrier dans leurs plus beaux habits, avec leurs jouets et animaux de compagnie. Dans toute leur humanité, dans une image qui ne les dévalorise pas. On imagine qu’ils auraient aimé qu’on se souvienne d’eux ainsi.

L'ouvrage sera interdit en 1936, mettre sur le même plan tous ces hommes si différents, leur donner le même espace photographique : vieillard, handicapé, politicien, colonel, mère de famille...
Pour l’homme national socialiste, il n’y a rien derrière ce corps, le corps parfait est la manifestation de l’idéal. L’intériorité n’existe pas, seul le groupe existe. La pudeur ne fait plus sens car les corps ne sont qu’un seul corps, celui de la race et de la nation. L’homme est son corps, sa force, sa nudité qui le rapproche d’une nature imaginaire : puissante et bestiale.
Pour Sander, aucune idéalisation ou esthétisation du corps humain montré dans sa diversité, ses différents états (vieillesse, maladie) apparaissent avec la même dignité. Son projet, qui n'est pas simplement documentaire, s'avère dans le contexte de l'époque, fortement éthique.
Il ne s’agit pas d’une simple série, présentant des types d’hommes, comme on classerait des objets, des plantes..car ces portraits vous regardent, vous dévisagent. Vous ne pouvez plus simplement les considérer comme représentants d’un groupe, d’une classe. Ils portent chacun leur histoire, leur sentiments, transmettent une émotion ou restent impassibles. Le regard triste du forain noir, le sourire de l’acteur ambulant, le regard égaré et interrogateur de Madame Sander portant ses jumeaux, le sérieux déconcertant de ces enfants de paysans.
Sander croyait à la physiognomonie : que de l'apparence transparaît quelque chose du caractère de l’homme, de son âme profonde, qu’il ne saurait cacher. Mais paradoxe : l’homme ne représente pas simplement une fonction sociale, il témoigne de quelque chose, sans se réduire à un homo faber. De par sa simple présence, sa posture qui le campe dans le réel. Parce qu’il nous regarde, parce qu’il regarde le monde. Que l’on accède ou non à son intériorité, qu’il nous dévoile ou non son humeur, ses sentiments.
Pour Sander, la photographie révèlerait ainsi d'une certaine manière la personnalité du sujet photographié. C’était aussi l’idée aussi d’une photographie « objective », ne reflétant rien du photographe, simple transparence vers son objet. L’idéal d’une photographie de la vérité, qui serait de même un langage universel, au-delà des temps et des cultures.

Mais cette idée d'une photographie "transparente", se voulant purement référentielle ou témoignage sociologique, a ses limites : l'image de l'autre ne dit pas tout : le langage visuel est bien loin d'être universel : d'où la difficulté que l'on a parfois à reconnaître les connotations originales de certaines images d'un autre lieu ou d'une autre époque..

Parallèlement à ces portraits, sont exposées des photographies de paysages et de botanique, qui illustrent le rapport entre la plante et son milieu, son humus / les liens profonds entre vivants, terre, herbes, végétaux, pluie..
Les paysages de montagne, apparaissent comme des lieux de contemplation, où ne prennent place ni exploits ni conquêtes. Montagne qui nous relie à l’au-delà du monde, aux nuées, à l’invisible, aux mouvements changeants du ciel. A cet immatériel qui se joue de la lumière.


Bibliographie :

Catalogue de l’expo : Voir, observer et penser, éd. Schirmer, Mosel, 176 p. préface d’Agnès Sire, intro de Gabriele Conrath-Scholl, contient la traduction de la conférence radiophonique « La photographie langage universel » (1931)

August Sander, Actes Sud, coll. photopoche, intro de Susanne Lange (1995), notice biographique et bibliographie, 2008, 4ème éd.

www.henricartierbresson.org

dimanche 9 août 2009

"Conflit d’images" pictorialistes et modernistes..


jusqu'au 10 octobre 09

On nous présente le conflit de façon binaire, tout comme illustré dans les années 30 par une expo itinérante :
d'un côté les pictorialistes qui situeraient la photographie dans la continuité de la peinture, privilégiant une esthétique du beau, une composition harmonieuse, une vision conventionnelle : tant sur le plan des sujets choisis que de la composition.

Les "modernistes" privilégiant une forme de réalisme (quoique pas toujours, certaines photos étant très composées, très graphiques), mettant en avant, par des effets de cadrage, de perspective, les structures, les matières, et proposant de nouveaux sujets moins "nobles": chantiers, témoignages de l'ère industrielle, travailleurs, objets du quotidien.
On ne peut qu'être frappé de la proximité avec les controverses qui entourèrent les premières oeuvres cubistes, l'abstraction géométrique etc.

on ne peut donc pas simplement opposer peinture-photographie, puisque même les modernistes s'inspirent de certains mouvements picturaux..

Il faudrait plutôt y voir un conflit des représentations, qui traverse les différents arts visuels, mais aussi les arts plastiques, puisqu'on retrouve ce genre de débats à propos de la sculpture..

On regrettera le manque de pédagogie de l'expo, on est tout de même dans un musée d'histoire.. et l'histoire c'est du texte ou au minimum du discours, non ?
superbes photos, mais commentaires minimalistes ...on sait bien que c'est la tendance..mais enfin.. il y a encore des gens qui aiment lire..on a beau être dans un monde d'image..

des articles intéressants dans les vitrines, des exemplaires des revues suisses de l'époque, mais souvent seulement en allemand

une perspective internationale sur l'opposition entre pictorialistes et "modernistes" aurait été intéressante, car ce débat n'est bien sûr pas limité à la Suisse

une visite guidée s'impose pour ceux qui ne sont pas des spécialistes de l'histoire de la photo



http://www.landesmuseen.ch/f/prangins/expositions/2009/schweizer_fotografie_um_1930.php

Qui êtes-vous ?

philosophe, spécialisée dans l'éthique de la communication et de l'information.