mardi 28 septembre 2010

Gilbert Garcin "Mister G"





Ad Galerie- Genolier
Jusqu'au 9 octobre 2010



Sélection de 40 oeuvres.

"Mister G", ecce homo, tantôt touchant, vaniteux, drôle, évasif..

dans un univers aux lignes qui semblent simples et épurées. Espace construit ou plutôt dessiné de traits de lumière, entre le la scène et la toile..Géométrie symbolique. Plus qu'un simple lieu : les éléments de l'interaction : ce que je veux, ce qui m'empêche d'avancer..les amas de terre où s'embourbe le livreur de portraits, les monticules erratiques où un Sisyphe s'embourbe... Ce décor loin de l'icônique, révèle nos désirs : l'image de soi, le rapport au monde, la présence de l'autre, la complexité...


Petit théâtre de nos rêves, entre humour et absurde, l'univers de Garcin donne à rire, à penser..


http://www.gilbert-garcin.com/


mardi 22 juin 2010

"Une poétique de l'engagement" Willy Ronis (1910-2009)













Musée de la monnaie, Paris, jusqu'au 22 août 2010.

Les photographies exposées sont issues du Fonds Ronis légué en 1983 par le photographe à la Médiathèque de l'architecture et du patrimoine. Cette exposition commémore les cent ans de la naissance de W. Ronis.

Une rétrospective qui aborde les différents thèmes qui ont intéressé Willy Ronis et ne se réduit pas à la France pittoresque, aux photos de famille empreintes d'intimité douce ou aux magnifiques nus.. (on songe à Bonnard..) Images parfois un peu caricaturales de l'oeuvre de Ronis..

Car son travail va bien au-delà de l'anecdotique. A noter des photographies moins souvent exposées, qui nous rappellent son parcours de militant, puis de sympathisant communiste, mais aussi qu'il est fils d'immigrants : le front populaire, les mouvements et manifestations ouvriers, Le travail en usine à la fin des années 40 : les ateliers Citroën, Renault, les filatures ..ou encore les mineurs de Saint Etienne..

Cependant, cette ville populaire est aussi habitée et joyeuse. Ce regard rend à ceux, au bas de l'échelle sociale, une dignité, une présence, trop souvent effacée des grands médias contemporains privilégiant le sensationnel ou le people.

Si nombre de ces photographies, gravent dans le temps des instants de bonheur, elles évoquent aussi les failles, les blessures de notre société et c'est la conjonction de ces différentes facettes qui fait l'originalité du regard de Ronis.

Il semble nous dire : la conscience sociale et politique n'efface pas les autres aspects de l'existence : ils coexistent, se juxtaposent, à ceux qui savent les percevoir. La misère, la vie quotidienne et la beauté ne sont pas deux mondes différents, mais un même monde.

A voir : Portrait filmé

Bibliographie :

Catalogue de l'expo : Willy Ronis : une politique de l'engagement, Paris, éd. du Jeu de Paume, 2010

Willy Rony, Ce jour-là , Gallimard, Folio, 2008 textes et photos

http://www.artistikrezo.com/actualites/Art/monnaie-de-paris-willy-ronis.html

Dossier "La photo buissonnière de Willy Ronis", Connaissance des arts, Photo, n° 23, mars-mai 2010

http://www.annelaurejacquart.com/rencontres_willy-ronis-et-la-photographie-humaniste-quels-enseignements_3132


vendredi 28 mai 2010

Mimmo Jodice Rétrospective 1960-2010

















Maison européenne de la photographie - Paris
jusqu’au 13 juin 2010
Photographies des séries :
Expérimentations - Figures du social - villes invisibles- Méditerranée - Mer
Riche rétrospective de l’œuvre du napolitain Jodice, plus de 40 ans de photographie, mais un univers atemporel. Comme un monde permanent, quelque part derrière le visible, derrière la banalité du quotidien. Presque une vision mythologique. Une présence qui ne se révèle qu’aux contemplatifs. Loin de l’anecdotique ou de la photo de genre.
Il y a quelque chose de tragique dans ses figures antiques : émotions muettes, prisonnières de la pierre, comme une peau gravelée, rongée par l’eau et le soleil. Gestes interrompus, en suspens, sans repos. La blessure du marbre, jamais tarie. Force et sensualité immortalisées. Figures héroïques paradoxalement si fragiles, portant le doute, interrogeant encore et encore. semblent surgir d’un autre monde. Plus intense, plus réel, mais oublié des hommes.
La ville, habitée de présences diffuses. Comme après un lent cataclysme, une déliquescence patiente. Dont les seuls habitants semblent être ces enfants, hébétés, comme interdits, en attente ou ces vieillards au seuil de l’enfer, aux regards déjà éloignés. Les fous de l’hospice. Eux aussi sur le seuil.
Des traces des vivants : draps séchant au soleil, voiles étendus sur les statues, cierges allumés, toujours en attente ou en espérance, se mêlent à celles, souterraines et païennes qui surgissent à travers la pierre, ça et là, comme une force cachée.
La mer de Jodice, étincelant horizon, signe de voyage, tire le regard vers le lointain. Fait plisser les yeux, donne à voir comme un au-delà.
Bibliographie :

Catalogue de l’exposition : MEP, Federico Motta Editore, Mimmo Jodice, texte de Roberta Valtora, Actes sud/ Motta, 2003 , 381 p.
Bruno Trompier (réal.), « Mimmo Jodice, entretien avec Guy Mandéry », « La vidéothèque des photographes », 1996, 26 min.
Giampiero d’Angeli, « Parcours de Mimmo Jodice », documentaire, prod. Arte, 2009, 53 min.

site : les parcours de mémoire de M. Jodice

photographies paysages sur le site de la galerie Baudoin-Lebon

mardi 20 avril 2010

"Around the World", Josef Hoflehner


AD Galerie, Genolier (VD, Suisse)

jusqu'au 22 mai 2010

Joseph Hoflehner, photographe autrichien, ou plutôt citoyen du monde..grand Prix de la Photographie de Nature en 2007 (IPA). Tirages argentiques non retouchés, grands formats carrés. AD Galerie présente une belle sélection des diverses facettes de son œuvre.

Grand voyageur, Hoflehner parcourt le monde : Antarctique, Islande, Hawaï, Chine, Japon, Inde, Viêtnam, Antilles, Dubai.. point commun à ces regards : la mise en valeur des éléments : air, eau, glace, lumière, roches. Paysages méditatifs. Des horizons qui happent, contrastes forts, des matières qui se confondent : neige ou sable ? deviennent abstraites. Forces, mouvements, nuées d'air et d'eau.

Nature sublimée, présence parfois infime de l'homme : ombre plutôt que chair. Entre menace et fragilité.

Face à ces paysages très esthétiques, d'immenses villes baignées de lumières verticales ou perdues dans un halo : Shanghai, Chicago, New York, Dubaï,... Villes de métal et de gratte-ciels : entre réel et imaginaire. Des faisceaux presque violents découpent l'espace de rayons clairs. Quelque chose qui plane, indéfinissable, comme une tension entre les éléments, un événement à venir..

Comme cette vue de New York, en premier plan les restes de pontons noircis. Arrivée de transatlantiques fantômes. Ces fondations noires et oubliées, traces des bâtisseurs, de nouveaux arrivés, répondant à ces lointaines silhouettes de Manhattan : tours de fer et d'acier noir.

Verticalité omniprésente : lumières tombantes, désir de transcendance ? Hybris de bâtisseurs ?

A voir aussi, la superbe série "Jet airliner" à San Marin, carlingues de métal et de reflets lumineux, plongeant vers le sol, le sable..la terre.

Bibliographie :

J. Hoflehner diffuse directement ses livres
par internet : http://www.josefhoflehner.com/

http://www.ad-galerie.com/ad-galerie/Artists/Pages/Josef_Hoflehner.html

http://www.younggalleryphoto.com/photography/hoflehner/hoflehner.html

article de Sophie Tomte: http://blogs.arte.tv/fine_art_photography/frontUser.do?method=getHomePage

http://www.actuphoto.com/11057-josef-hoflehner-jet-airliner.html

mercredi 7 avril 2010

Sally Mann - Sa famille, sa terre

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dimanche 4 avril 2010

La pivellina



film italo-autrichien Tizza Covi, Rainer Frimmel, 16 mm, 100 min









A Lausanne au Bellevaux, 18h30, vo italien sstitre fr.

Paris: Les trois Luxembourg, Le nouveau latina

Banlieue de Rome en hiver. Temps gris et humide. Patti, quinquagénaire marquée par la vie, aux cheveux rouges, cherchant son chien découvre une petite fille abandonnée sur un terrain de jeu. La pivellina. Héroïne d'un film sobre. Très simple. Aux allures de documentaire. L'histoire d'une rencontre, de liens qui se tissent. La vie précaire d'un petit cirque dans l'Italie d'aujourd'hui. Derrière les palissades, presque un terrain vague. Quelques animaux, de vieilles caravanes. Lumière grise, pluie d'hiver. Une survie plutôt. Et l'hiver pas de travail. Les acteurs non-professionnels, pour la plupart des gens du voyage, jouent leur propre rôle. Les relations humaines éclairent cet univers triste, hors du monde. L'enfant trouvé devient un point de lumière.

Une réflexion sur le bonheur, sur le décentrement, où la joie c'est de rendre heureux l'autre. Philosophie au fondement même de la vie des gens du spectacle.

Pas de trame narrative, si ce n'est l'importance du moment présent, de l'instant : la mer, la fête foraine, les jeux..Car on ne sait jamais si la rencontre va durer.
Qu'elle ait au moins vécu quelque chose de bien, se disent-ils, sa vie ne sera probablement pas facile.


vendredi 2 avril 2010

"L'Afrique héroïque", Philippe Bordas






Maison européenne de la photographie, Paris, jusqu'au 4 avril 2010




Magnifique exposition en 3 volets sur l'Afrique contemporaine. Les chasseurs de l'Ouest africain. Les boxeurs et lutteurs du Sénégal et un portrait du philosophe et homme de lettres Frédéric Bruly Buabré.

A la force et la puissance des deux premières parties de l'exposition, superbes images, épiques et viriles. Répond le discours et la réflexion du philosophe. Comment rendre compte d'une réflexion aussi abstraite par la photographie ? Comment transmettre cette révolte face à suprématie des langues et écritures européennes ? Buabré poète-phrophète et artiste ivoirien cherche à créer une nouvelle écriture qui soit entièrement d'inspiration africaine.

"L'Afrique a été dépréciée parce que continent prétendu sans écriture.
L'alphabet est l'esprit-génie de bienfaisance en faveur de la faculté humaine.
En ce bas monde et en notre temps, il n'y a pas une nation puissante sans une académie puissante.
Trouver sur la scène de la vie humaine une écriture spécifiquement africaine, tel est mon désir.",

Inspiré par une révélation divine, il se donne pour mission de préserver la pensée africaine par une écriture propre. Nombre de langues africaines n'ont pas d'écriture : Buabré invente en 1956, un système de transcription syllabique par pictogrammes. La seule langue d'enseignement dans la colonie est alors le français. Donner un alphabet et une transcription à sa langue c'est la faire entrer dans le champ du savoir.

L' alphabet de Bouabré, très graphique, se compose de dessins inspirés des gravures de pierres ancestrales du pays bété à l'ouest de la côte d'Ivoire.
Sa démarche consiste à transcrire les traditions orales : philosophie, littérature, contes, histoire, droit. Il fait mémoire, comme son surnom l'indique: "Cheik nadro" : écrire, dessiner pour lutter contre l'oubli. Démarche encyclopédique et religieuse : dire le monde, l'écrire, le dessiner, ne rien oublier pour qu'il ne disparaisse pas, pour qu'il perdure.

L'écriture de Bruly est syllabique, c'est dire qu'elle prend sa force dans l'oralité, la sonorité, la musique. Ce n'est pas l'écrit qui dicte la langue, mais bien le discours, la langue vivante qui est à l'origine de l'écrit. C'est là la force d'une écriture nouvelle.
Renversement d'une puissance inestimée, car le français, a lui, de ce point de vue vieilli: la langue écrite ne correspond plus à la langue parlée. Il y a rupture entre l'écriture et le discours.

Les photographies de Philippe Bordas montrent la fragilité de cette mémoire, loin d'être gravée dans la pierre, elle se trace à la craie, ou à même le sol, s'empile dans une case- bibliothèque, remplie de sacs plastiques protégeant à peine des paquets de feuillets de transcriptions. Archives inestimables, traces de vie, de pensée.


Bibliographie :

Philippe Bordas, L'invention de l'écriture, Paris, Fayard, 2010, 140 p.
Evocation incantatoire du travail de Bruly Buabré, A la fois carnet de voyage poétique, carnet de photographe et réflexion sur l'Afrique contemporaine..

Philippe Bordas L'Afrique à poings nus, Paris Seuil, 2004

Nutith Aviv, "Bruly Buabré's Alphabet", Film, 17 min, 2005

The soldier's Tale, film de Penny Allen




























réalisation Penny Allen, 54 min. 2008
Sortie le 24 mars, Paris, cinéma Reflet Médicis

Prix du regard sur le crime, Visions du réel, Festival international du documentaire, Nyon, 2009


Une rencontre fortuite dans un vol transatlantique. Penny se trouve placée à côté d'un militaire américain, venant juste de quitter l'Irak le matin même, le sergent R. lui parle de son périple, lui montre des images sur son ordinateur. Films et photos prises durant son engagement. L'enfer dit-il. Il veut témoigner. Opérations militaires filmées en direct, cadavres déchiquetés, prisonniers entravés. Tout cela fait vraiment penser à Abu Graïb. Sur le moment Penny ne veut pas voir ces images. Choquantes, violentes. Il veut témoigner, il est choqué. Elle est écrivain.

Quelques semaines plus tard, le sergent R lui envoie un DVD. De nouveaux films, réalisés sur le terrain. Des montages, des photos de la vie des américains en Irak. Entre vie de potache et horreurs quotidiennes. Les images du blindé détruit où son meilleur ami brûla. Des corps mutilés d'irakiens collaborateurs. Penny Allen choisit de raconter dans un film l'histoire de cette rencontre, y intègre les images du sergent R et de ses collègues.

Il veut montrer qu'ils ne sont pas ce que l'on dit. Que les irakiens aussi font des horreurs. Décapitent leurs prisonniers, tuent des enfants etc.
Il veut montrer la réalité de ce qui se passe là bas. Qu'ils aident aussi les populations. Mais ce n'est pas vraiment l'impression que donnent ces films. Ambiguïté terrible.
Il parle aussi de ses remords, de ce qui le hante. Cet enfant qu'il a tué par erreur.

Elle retourne ensuite aux USA pour l'interviewer dans un motel, au milieu de nulle part. Il apporte son ordinateur pour lui montrer d'autres images. Beaucoup de cadavres défigurés. Ils se le échangent avec ses anciens camarades, les collectionnent. Il avoue les avoir beaucoup regardées au début. Impossible d'oublier si vite. La transition avec la vie "normale" est presque impossible. Lorsqu'il veut parler de ce qu'il a vécu, de ce qu'il a fait, les autres fuient. Ne veulent rien entendre. Sa femme l'a quitté lorsqu'il lui a montré ses films, le prenant pour un fou, un monstre.
Il les conserve dans son ordinateur. Mais ne les regarde plus très souvent. Il avait besoin de ces traces. Pour être sûr de ne pas oublier. Une mémoire quelque part.


Mais déjà, il songe à retourner en Irak. Lui qui en parlait comme de l'enfer quelques mois plus tôt. Incompréhensible pour Penny. Il s'explique ou se justifie plutôt: problèmes d'argent, divorce, besoin d'une couverture maladie pour son fils et puis n'arrive pas à supporter son emploi à l'usine. Salaire minable, routine, vide, ennui. Et puis il n'aura pas de retraite si il n'y retourne pas, il faut 20 ans de service dans l'armée..

Mais aussi l'Irak lui manque, l'excitation des missions, la tension, l'impression d'agir et surtout ses camarades de combat. La seule famille qu'il lui reste. Qui comprend ce qu'il a vécu, ce qu'il est devenu. Il veut y retourner pour former d'autre soldats, pour leur apprendre à survivre, leur montrer ces détails qui leur sauveront la vie.
En fait il est déjà trop loin de la vie "normale", il ne sait plus ce que c'est.


Après la séance, Penny Allen commente son film, leur film. Penny et le sergent R. sont restés en contact, ils se téléphonent une fois par mois.
Elle raconte la suite de l'histoire.. Le sergent R est retourné trois fois en Irak.. Jusqu'à ce qu'il soit blessé. Les militaires disent, c'est toujours la troisième fois…. De retour aux USA pour se faire soigner, il est à l'hôpital. Elle n'a pas encore de nouvelles de son opération. S'il guérit, il y retournera, il n'a pas encore ses 20 ans de service..


Un fort malaise surgit des propos du sergent R. Victime et bourreau se mêlent. Tout semble confus. J'obéissais aux ordres dit-il. Si un supérieur me dit de faire quelque chose, je le fais. Le parcours complexe d'une vie entre choix, contradictions, mauvaise foi . Où l'on fait l'inimaginable, presque naturellement, par glissements successifs, de misère sociale, à misère affective, dans un contexte où tout est organisé pour cela. Pour que cet enfer apparaisse comme la seule solution pour donner un sens à votre existence, une cohérence. Seul le retour à la vie civile est problématique.. Là les valeurs s'entrechoquent. Ce qui là-bas était normal est devenu monstrueux, inhumain. Mais le retour était-il vraiment prévu pour ces hommes-là ?

http://www.pennyallen.info/frsold.htm

Qui êtes-vous ?

philosophe, spécialisée dans l'éthique de la communication et de l'information.